Présentation - Fiche

___Je n'ai jamais remarqué à quel point les yeux d'Adélaïde sont magnifiques. D'un doux bleu tirant quelques fois sur le vert en fonction de la luminosité. L'iris étant entourée d'un cercle plus foncé, pur, magnifique. Ses yeux sont en amande, une forme qui va parfaitement avec son visage. Oui, les yeux d'Adélaïde sont magnifiques, et ils sont encore plus magnifiques remplis de larmes. Les douces petites perles salées coulent encore le long de ses fines joues. Elle tente d'échapper à l'emprise de mes mains encore tremblantes. Mais elle n'y parvint pas. Sa tentative est si infime qu'il faut bien prêter attention à ses gestes pour la sentir. Je n'y ai pas réellement prêté attention, j'étais trop occupé à regarder son visage noyé dans les larmes. Je lâche donc doucement ses poignets. Tout ce que je veux, c'est les porter vers son visage et essuyer doucement chacune de ses larmes, que le soleil mourant cesse de refléter sur ses joues humides. Mais je ne peux pas, je ne le fais pas, parce que.. Parce que je ne peux pas. Je suis la raison de ces pleurs...

___Adélaïde ouvre la bouche, après ma tirade pour enfin dire quelque chose. Quelques mots sortent de sa gorge, mais juste quelques petits mots. La belle italienne s'étrangle et cesse de parler. Mon cœur se pince, un peu plus fort encore. Ne pleure pas, Adélaïde, je t'en supplie, ne pleure pas. Sa chouette vient alors à son secours. Saphira grogne et gratte le toit en bitume du vieil immeuble, prêt à sauter sur lui pour l'attraper. Je mets une jambe devant ma Daëmone pour qu'elle cesse, fixant la chouette avec défi. Qu'il continue à dire de pareilles choses, qu'il.. Il cesse car Adélaïde le coupe dans son monologue. Sèchement. Je regarde alors la jeune femme, qui semble reprendre les choses en main. L'oiseau s'envole, vexé d'avoir été interrompu aussi brusquement, par sa propre moitié. Niark, niark, niark, rigole Saphira dans mon esprit. Bon débarras, sale oiseau de malheur. Ta gueule toi aussi ! Fais comme cet oiseau et laisse nous discuter, tous les deux ! Ma Daëmone me donne un coup de griffe dans la main, comme un chat qui veut attraper une pelote de laine. Aïe ! Saleté ! Saphira lève la tête fièrement, contente d'avoir eu (encore) quelque chose à dire (enfin à faire).

___Des mots qui insultent mon camp. Voilà encore une phrase qui résonne à mes oreilles. Mon sang se fige dans mes veines, mes muscles se crispent et mes mains se serrent. Saphira a la même réaction. Elle lève les oreilles, le poils hérissé. Non, Adélaïde, non, pas ça. Toute ma haine, ma rage et ma vengeance monte en moi dans une pression horrible. Je mets mes mains sur mon visage. Je veux frapper quelque chose, frapper un truc dur. Je veux me diriger vers le bord du toit pour y mettre un bon coup de poing, mais Adélaïde avance vers nous. Saphira se met à grogner, elle veut lui sauter au cou. Mais son idée cesse immédiatement lorsque la jeune italienne annonce doucement : « Je suis vraiment désolée pour ta jumelle  ». Saphira et moi cessons de ressentir toute haine, toute colère. Mais ma Daëmone ne s'y laisse pas prendre longtemps. Elle se remet à grogner, souhaitant toujours lui sauter le cou. Je pose alors ma main sur sa tête, fixant Adélaïde, avec un certain étonnement. Cette garce a lu dans tes pensées ! Elle sait tout ! Elle a tout vu ! Elle a violé toute ta vie privée ! Mais quelle.. Je me mets bien devant Saphira, cachant ma Daëmone de mon corps, me mettant bien en face d'Adélaïde. Erwan, arrête, si c'est pour ces beaux yeux que tu.. Oui, c'est bien pour ses beaux yeux. Mais pas les beaux yeux auxquelles vous pensez. Non, mais pour ses yeux qui reflètent énormément de choses. J'ai envie de lui faire confiance, à elle, comme je lui ai toujours fait confiance d'ailleurs. C'est une Pro-Conseil Erwan ! Éléanore, tu te souviens de ce qu'elle a dit ?! Tu l'as oublié Éléanore, ça y est ! Tu te.. Nous a t-elle dit que les Pro-Conseils pleuraient pour ceux du camp adverse ? Ou bien qu'ils s'excuserait pour un de leur crime ? Est-ce qu'elle nous l'a dit ? Non ! Et bien nous aussi, nous allons dire quelque chose ! Saphira veut répliquer, mais je l'en empêche. Je regarde Adélaïde, encore hésitant. Mais ce regard.. J'ai envie de le suivre, de lui dire.

___Un petit vent souffle dans mon dos, me faisant frissonner. Il fait nuit à présent, et la température a bien baissé. Je sens d'ailleurs un air frais arriver, la nuit allait être froide. Je regarde autour de nous. Je peux entendre la garde faire sa ronde habituelle. Mon regard se repose sur Adélaïde. J'attrape d'une main assurée celle d'Adélaïde, et l'entraine avec moi après un bref :

« Très bien, suis moi. »

___J'entraine rapidement l'italienne vers l'escalier. Doucement, je les descend d'un étage, essayant comme je peux de ne pas faire trop de bruit. Je me retourne vers Adélaïde, mettant un doigt sur ma bouche pour lui demander de ne pas faire trop de bruit. Saphira nous suit, ruminant sa rage en silence. Elle saute dans l'immeuble par une vitre cassée. Je la suis, entrainant toujours Adélaïde avec moi. Je lâche sa main lorsque nous arrivons dans l'immeuble. L'intérieur de la vieille bâtisse est sombre et ténébreuse. Je tape des mains une fois, faisant apparaître une sphère de lumière entre ces dernières. Je lui souffle dessus et la sphère s'envole, flottant entre moi et Saphira pour éclairer les lieux. Saphira est déjà loin, au fond du bâtiment. Elle s'est couchée sur un tapis. Un tapis ? Oui, par chance, nous sommes arrivés dans un sorte de petit squatte. Certainement celui d'adolescents. J'avance, invitant Adélaïde à faire de même. J'attrape deux caisses en bois qui trainent par là et en tend une à Adélaïde. Je m'assieds sur la mienne, attrapant ma nuque avec mes mains. Erwan, ne fais pas ça... Ne trahis pas ta sœur.

« Je ne sais pas réellement ce que tu souhaites que je te raconte, dis-je d'une voix légèrement tremblante par l'émotion, mais je vais commencé par ma jumelle, puisque c'est la principale raison de mes choix actuels. »

___Saphira soupire, désespérée. Ne souhaitant pas commencer tout de suite, j'attends que ma sphère lumineuse vienne dans le creux de ma main. Lorsqu'elle s'y pose, je donne une petite pichenette dedans. La boule de lumière éclate en centaine d'autres petites.  Les petites sphères ressemblant plus à des lucioles qu'à des sphères de lumières virevoltent autour de nous, donnant à l'atmosphère une lueur plus douce. Je peux commencer :

« Avant de venir à Lindwuen Daëmon, je vivais en Italie, mais ça, tu le sais. J'y vivais là-bas avec ma famille. Mes parents n'ont eu que deux enfants, deux jumeaux : ma sœur jumelle, Éléanore, et moi-même. Nous étions très proche et nous vivions ensemble, quasi tout le temps. Lorsque notre espèce a été déclaré au monde, Éléanore a souhaité le découvrir. Moi, je m'en suis toujours méfié. Alors elle est partie découvrir le monde, et je suis resté caché.
Un soir, en rentrant d'une balade, j'ai découvert ma sœur, baignant dans son propre sang. Elle allait mourir, ma soeur, ma jumelle, elle allait mourir. Elle s'était battu contre un homme, un homme qui faisait parti des membres du Conseil ; comme.. comme toi.. Les derniers mots que ma soeur m'a dit étaient de me méfier des membres du Conseil.. Elle disait qu'ils n'étaient pas net, qu'ils nous voulaient moi et ma soeur parce que nous possédions des dons avec du potentiel. »

___Je marque une pause pour reprendre mon souffle.

« Quand j'ai pris le corps froid de ma soeur dans mes bras, je me suis promis de ne jamais oublier ces paroles, de toujours me méfier, et en particulier des membres du Conseil. »

___Les larmes me montent alors aux yeux, sans que je puisse y faire quoi que ce soit.

« Ma soeur, ma petite soeur.. Adélaïde, elle voulait venir vers vous, elle était pleine de bonté et de douceur, elle avait confiance en vous, en votre camp. Elle voulait vous apporter son aide, elle était pleine de bon sens.. Elle.. elle.. »

___Les larmes coulent alors, et ma voix tremble.

« Et ils l'ont tué ! Ils ont tué ma soeur ! Elle qui voulait découvrir le monde et l'aider. Elle aurait mis a disposition son don sans hésiter, parce qu'elle faisait confiance au monde, au Conseil. Mais dès que j'ai été impliqué dedans, elle s'est méfiée et a refusé, pour me protéger. Alors ils l'ont tué ! »

___Je cesse de parler, regardant ailleurs, fuyant le regard d'Adélaïde, honteux de me mettre à pleurer comme un enfant. Saphira vient vers moi, me donnant un petit coup de museau sur la joue. Elle se tourne ensuite vers Adélaïde. Elle veut parler, lui balancer son venin à la tronche, mais je la double, encore :

« Y a t-il autre chose que tu veuilles savoir ? »

___Saphira me grogne dessus. Tu n'es qu'un idiot ! Un pauvre ignorant ! Un pauvre con ! Peut-être. Mais ces yeux, ces yeux-là, ils valent bien la peine d'être con.